Démembrement de propriété : comprendre le principe et les mécanismes

par | 3 Mar 2023

Le démembrement de propriété est une opération juridique qui consiste à séparer la pleine propriété d’un bien immobilier en deux parties distinctes : la nue-propriété et l’usufruit. L’usufruitier a le droit d’utiliser le bien immobilier et d’en percevoir les fruits (loyers ou revenus locatifs) tandis que le nu-propriétaire conserve la propriété du bien, mais sans pouvoir l’utiliser ni percevoir les fruits. Cette opération peut être réalisée pour diverses raisons, notamment pour optimiser la transmission du patrimoine ou pour des raisons fiscales.

Le démembrement de propriété offre des avantages intéressants pour les investisseurs immobiliers. En effet, il permet notamment de bénéficier d’une fiscalité avantageuse en dissociant l’usufruit du bien de sa propriété. Il peut être utilisé comme un outil de transmission de patrimoine, en permettant de transmettre la nue-propriété à ses enfants tout en conservant l’usufruit. Il peut également être utilisé pour optimiser la gestion locative, en permettant à un investisseur de se spécialiser dans l’acquisition de la nue-propriété d’un bien, tandis qu’un autre investisseur détient l’usufruit et se charge de la gestion locative.

Concrètement, lors d’un démembrement de propriété, le droit de propriété est divisé en deux parties distinctes :

  1. L’usufruit : aussi appelé bénéficiaire, il donne le droit d’utiliser le bien (de l’habiter ou de le louer pour en percevoir les revenus)
  2. La nue-propriété : Son bénéficiaire est baptisé le nu-propriétaire. La nue-propriété permet à ce dernier de disposer du bien, autrement dit de le vendre. De fait, le nu-propriétaire ne peut disposer des revenus générés par la location de son bien et ce sans compensation ultérieure.

Les droits et les obligations du nu-propriétaire 

Lors d’un démembrement de propriété, le nu-propriétaire est tenu d’effectuer les grosses réparations incombant à la conservation du bien.

Le Code Civil impose de grosses réparations pour les travaux suivants :

  • Réparation des gros murs et des voûtes
  • Rétablissement des poutres et des couvertures entières
  • Rétablissement des murs de soutènement et de clôture en entier

 À noter 

  1. Si l’usufruitier ne respecte pas son devoir d’entretien ou si par sa négligence des travaux sont à entreprendre, les frais de réparations seront à sa charge
  2. En cas de non-respect de ses obligations, l’usufruitier peut se voir supprimer son droit d’usufruit
  3. Le nu-propriétaire ne peut, dans le cadre d’un démembrement de propriété, occuper l’immeuble ou le mettre en location sans le consentement de l’usufruitier
  4. Si l’immeuble démembré est loué à des tiers, le nu-propriétaire peut bénéficier d’avantages fiscaux sur les grosses réparations qu’il est amené à entreprendre.

Les droits et les obligations de l’usufruitier 

Dans le cadre d’un démembrement de propriété, l’usufruitier occupe l’immeuble dont il a reçu l’usufruit. Il peut de plein droit soit l’occuper ou le louer librement pour en recevoir les loyers.

  • L’usufruitier ne peut changer la destination de l’immeuble ayant fait l’objet d’un démembrement sans l’accord du nu-propriétaire. Il devra demander l’accord du nu-propriétaire s’il veut changer le bail initial (exemple pour une location d’immeubles à usage commercial ou industriel). En cas de refus du nu-propriété, l’usufruitier pourra tout de même saisir le tribunal
  • L’usufruitier à l’obligation de conserver le bien en bon état. Il lui est donc interdit de détériorer l’immeuble ou de le laisser se détériorer. L’usufruitier garde de ce fait à sa charge tous les travaux d’entretien (tous les travaux qui ne rentrent pas dans le champ des grosses réparations définies précédemment)
  • L’usufruitier ne pourra pas, au terme de l’usufruit, réclamer une indemnité ou une quelconque revalorisation pour les améliorations qu’il aura effectuées, et ce même si la valeur de l’immeuble a augmenté
  • Lors d’un démembrement de propriété (impôts locaux), deux situations peuvent se présenter selon l’usage que l’usufruitier fait du bien : si il occupe le bien, il doit payer la taxe d’habitation et l’impôt foncier. S’ il le loue, il devra uniquement payer la taxe foncière.

Fiscalité et démembrement de propriété

Les revenus locatifs

  • L’usufruitier : il doit déclarer les loyers qu’il perçoit au titre des revenus fonciers. Les charges courantes, au même titre qu’une location traditionnelle (frais de gérance, taxe foncière…), et la déduction forfaitaire viennent s’imputer sur la recette locative. Il peut notamment bénéficier du régime des déficits foncier et donc déduire de son revenu global, dans les limites de 10 700€ par an, les dépenses d’entretien. Au-delà de ce montant, la fraction et les intérêts des emprunts sont imputables sur les revenus fonciers des dix années suivantes
  • Le nu-propriétaire : il n’aura pas de revenus à déclarer dans la mesure où ce n’est pas lui qui perçoit les loyers résultant de la location du bien.

Cas particuliers

  1. En cas de démembrement de propriété, les dépenses pour grosses réparations sont par contre imputables sur les autres revenus fonciers du nu-propriétaire, à condition que l’immeuble soit loué à des tiers par l’usufruitier
  2. Lorsque qu’un déficit foncier est créé par l’exécution de ces travaux, le nu-propriétaire pourra l’imputer, à l’exception des intérêts des emprunts, sur son revenu global. Cette déduction est soumise à deux conditions : le démembrement de propriété doit concerner un immeuble bâti et doit résulter d’une donation ou succession entre parents jusqu’au quatrième degré. Si ces conditions ne sont pas remplies, le nu-propriétaire ne pourra reporter ce déficit que sur les revenus fonciers des 10 années suivantes
  3. Si l’immeuble faisant l’objet d’un démembrement de propriété est occupé par l’usufruitier lui-même, le nu-propriétaire ne pourra imputer aucune charge sur ses revenus de quelque nature que ce soit.

Les impôts de solidarité sur la fortune 

En principe, seul l’usufruitier est tenu de déclarer la valeur en pleine propriété du bien immobilier ayant fait l’objet d’un démembrement. L’usufruitier sera donc seul redevable de l’ISF.

Les conditions d’application 

  • Lorsque le démembrement de propriété résulte de la vente de la nue-propriété à un acquéreur qui n’est pas un proche parent (père, mère, enfant ou autre héritier potentiel lors de la vente)
  • Lorsque le droit d’usufruit a été réservé par le donateur dans le cadre d’une donation faite à l’Etat, à un département, une commune (ou syndicat de communes ou un de leurs établissements publics), à un établissement public national à caractère administratif ou à une association reconnue d’utilité publique.

Cas particuliers

Si le démembrement de propriété a été effectué comme défini dans les articles du Code Civil, chacun devra être soumis distinctement à l’impôt sur la valeur du droit qu’il détient. Soit dans les conditions suivantes :

  1. Article 767 : « Usufruit de l’immeuble recueilli par le conjoint survivant dans la succession du défunt, en l’absence de donation entre époux. « 
  2. Article 1094 : « Usufruit légal réservé aux ascendants survivants après donation entre époux de la part réservataire en nue-propriété en l’absence de descendant. « 
  3.  Article 1098 : « Usufruit forcé du second conjoint en présence d’enfants du premier lit. « 
  4. Article 1094-1 : « En cas de donation entre époux le conjoint doit déclarer la toute-propriété des biens sur lequel repose son droit d’usufruit. « 

L’évaluation de l’usufruit et de la nue-propriété 

Méthode 1 : barème fiscal du Code Général des Impôts

Age de l’usufruitierValeur de l’usufruitValeur de la nue-propriété
Jusqu’à 20 ans90%10%
De 21 à 30 ans80%20%
De 31 à 40 ans70%30%
De 41 à 50 ans60%50%
De 51 à 60 ans50%50%
De 61 à 70 ans40%60%
De 71 à 80 ans30%70%
De 81 à 90 ans20%80%
A partir de 91 ans10%90%

Méthode 2 : la valeur par paramètres 

Cette dernière permet de déterminer la valeur d’un usufruit à partir des paramètres suivants :

  • Âge de l’usufruitier
  • Revenus dégagés par l’usufruitier lorsque le bien est loué
  • Avantages divers dont peut bénéficier l’usufruitier.

Exemple : une personne de 55 ans est usufruitière de sa résidence principale, d’une valeur de 500 000€. La valeur de l’usufruit est donc égale à 5/10 de la valeur de la pleine propriété, soit 250 000€. Par déduction la nue-propriété équivaut à 250 000€.

Plus value et droits de succession 

Plus values 

En cas de vente en pleine propriété d’un immeuble démembré, il faut calculer le prix de vente de l’usufruit et de la nue propriété avec le barème établi par l’administration fiscale. De ce fait, chaque partie est imposée distinctement en fonction de la plus value qu’elle a réalisée.

A noter : si la vente n’a porté que sur l’usufruit ou la nue propriété, seule la partie bénéficiaire de la vente est soumise au régime de la plus value.

Droits de succession 

L’usufruit s’éteint et rejoint la nue-propriété lorsque :

  1. L’usufruitier décède en cas de formule viagère
  2. L’usufruit est arrivé à terme en cas de durée temporaire

Dans les deux cas, le nu-propriétaire retrouve la pleine propriété du bien.

À noter : dans le cas de décès du nu-propriétaire, les droits de succession sont dus et calculés selon le lien de parenté existant avec les héritiers après application du coefficient déterminé en fonction de l’âge de l’usufruitier (barème prévu par l’article 762 du CGI).

Nos conseils pour le démembrement de propriété  

L’administration fiscale veille à ce que le démembrement temporaire ou non de propriété ne soit pas un moyen de soustraire une partie du patrimoine aux droits de succession. Dans ce cas, elle considère que la succession de l’usufruitier se compose de tout immeuble appartenant pour l’usufruit au défunt et pour la nue-propriété à l’un de ses héritiers ou descendants. Ce dernier est donc redevable des droits sur la valeur totale des biens calculés selon son degré de parenté avec le défunt.

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